A quoi servent les arbres ?

Dimanche 23 Novembre.
Il neige. Ou plutôt, il a neigé...

N’imaginez pas un instant que ce petit caprice météorologique dissuade la vingtaine de marcheurs poètes de répondre à l’invitation de Graine d’Ortie.
Thème du jour : Découvrir la sylve circonlithorotative (entendez : la forêt insolite des environs de la pierre qui tourne) sous la conduite du maître ès contemplation : Daniel Lebrun.

Tout est matière à étonnement avec cet homme.
Y compris la marche d’approche dans les coteaux d’Ancy, et dans le village-même. Passée la source de la rougeaude , nous arpentons des sentes entre les pavillons ignorées, jusqu’à ce jour, des nés natifs eux-mêmes.
En voici une qui débouche sur un point de vue unique sur le viaduc TGV de Vandières. Au bord du chemin, un cotonnier rose  !!!
D’abord perplexes les randonneurs constatent que les touffes filamenteuses ne sont qu’amas de neige.
Mais c’est quoi ces petites baies roses ?
-Les fruits du fusain . Regardez attentivement leur forme. Ne dirait-on pas autant de minuscules bonnets d’évêques ?

Les oiseaux les apprécient mais elles sont toxiques pour l’homme qui, pourtant utilisait presque exclusivement le bois dur de l’arbuste pour la fabrication de … cure-dents.
Le charbon de bois issu du fusain devient le crayon des artistes-peintres.

 

- À venir se fixer sur le capteur de mon petit bijou d’appareil photo numérique. Ils sont tous à moi ; et ils restent le bien de chacun.
À quelques mètres de là, un verger particulièrement bien entretenu…
On y voit des arbrisseaux qui poussent en rejets, en cépées. En fait, des bouquets de noisetiers.
Mais le fruit convoité par ce jardinier-là, ce n’est pas la noisette.
Dans certaines conditions de culture, le noisetier est un hôte pour la truffe .
Premières récoltes : dans quinze ans si tout va bien …

Et la pente s’accentue.

À quoi servent les arbres Marie-Hélène ?

À peine avons-nous le temps de nous essouffler que la forêt est sur nos têtes.
Daniel est un romantique. Il aime particulièrement les arbres enlaceurs, embrasseurs.
Il finit par nous en trouver plusieurs qui s’étreignent avec assez de ferveur pour sculpter un cœur à la base de leur tronc multiple.

Un rien songeurs, les randonneurs font crépiter leur compact et réflex.

 

Et voici les hêtres tortillards.

Tortillards et marcotteurs. Certes les arbres que nous voyons là ne sont pas aussi monstrueux que le hêtre des batailles découvert l’an dernier avec Gérard Liégeois.

Cependant leur port original inspire le respect et peut-être même le recueillement.

 

Homonyme du pourfendeur canonisé de Graoullys, heureux de ne pas avoir de croix à supporter et de titre de premier évêque de Metz à assumer, léger, Clément virevolte, glisse, saute, escalade, tombe, se relève, salit son pantalon sous l’œil tendrement courroucé de sa maman.
En un mot, Clément passe un dimanche dans les bois.
Mieux que la Nintendo !

-À quoi servent les arbres Denise ?

-À y trouver une source d’inspiration pour mes futures installations de 12°5.

De chute en chute, d’anecdote en anecdote, notre guide nous a menés devant son arbre à cames.

Les renflements en cascade sur ce jeune tronc de bouleau sont probablement dus à l’étreinte d’une liane.

Là où le commun voit atrophie, Daniel voit fantaisie, imagination ou poésie du monde végétal.

Mais un arbre à cames, c’est métallique s’étonne Alexandre.

Tu veux de la ferraille ? En voilà, rétorque Daniel en désignant, juste là à deux pas, comme si la nature détenait les réponses à toutes nos interrogations, un jeune charme occupé à digérer lentement une barre d’acier.

 

- À quoi servent les arbres Clément ?
- À grimper dessus répond le garçonnet.

 

- À quoi servent les arbres Francis ?
- À grandir, vieillir, mourir (mais un arbre mort est-il jamais mort ?) puis être tronçonnés, transportés et reconstitués dans un salon d’honneur pour y suspendre une expo photo. A vivre quoi !
Combien d’essences différentes aurons-nous vu aujourd’hui sur les pas de Daniel ?
Vingt ? Trente ?

L’important, pour lui, demeure ce que suggère leur forme, le message que chacun d’eux nous adresse. Sachons lire la forêt comme un recueil de contes et respectons la.

 

La descente est amorcée.

Un dernier crochet pour nous quitter, comme l’an passé, sous l’œil noir du diable de ces lieux : une hernie sur le tronc d’un chêne ; certaines conditions d’éclairage* lui donne cet air inquiétant.

*(ici, un flash latéral et un diaphragme très ouvert pour que le premier plan net se découpe sur un arrière plan flou).

 

 

Alors bon dimanche et bon appétit.

La recette du jour de Graine d’Ortie : prenez quatre beaux polypores. Saupoudrez de gros sel de Guérande. Savourez… avec les yeux.

-À quoi servent les arbres Sylvie ?

- À conduire les ados du p’tit Canard Nature à en planter et en replanter partout où c’est possible.

 

Textes et Photos P. Faccioli - 2008


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